Proxénétisme : les mille et une vies de l'entremetteur de Lille

Personnage au riche carnet d'adresses, René Kojfer, 69 ans, se retrouve au cÅ?ur de l'affaire de prostitution lié à l'hôtel Carlton dont il assurait la promotion. Portrait.

 Proxénétisme : les mille et une vies de l'entremetteur de Lille

    Jusqu'à son incarcération, René Kojfer, 69 ans, le pivot présumé d'un réseau de prostitution à Lille, vivait officiellement dans une résidence à loyer modéré du centre-ville de la capitale des Flandres. Mais à la fin du mois, il aurait dû emménager dans une maison toute neuve, sur le village frontalier de Baisieux, qu'il venait de faire construire. Cet enrichissement très soudain n'a pas manqué de surprendre les enquêteurs de la PJ lilloise. Ils travaillent depuis plus de six mois sur un réseau de proxénétisme impliquant des notabilités locales mais aussi des policiers soupçonnés d'avoir profité des largesses de la direction du Carlton, un établissement de luxe à deux pas de la Grand-Place. Sept personnes ont déjà été mises en examen, dont six écrouées.

    Présenté comme un « entremetteur » selon les enquêteurs, René Kojfer avait un rôle de « prestataire multiservice » et de « recruteur » pour satisfaire les demandes particulières des clients du réseau animé par Dominique Alderweireld, un proxénète français écroué en Belgique où il tenait, avec sa compagne, Béatrice Legrain, une quinzaine de bars à hôtesses et salons de massage. C'est dans ce vivier d'une centaine de prostituées que René Kojfer puisait les jeunes femmes qu'il fournissait aux bons clients de l'hôtel Carlton, mais aussi du Comfort Hotel de la rue Anatole-France et de l'hôtel des Trois Tours dans la rue du même nom, des établissements fonctionnant « en réseau » selon la PJ lilloise.

    René Kojfer, qui a commencé sa carrière professionnelle dans les années 1970 comme « vendeur de trousseaux dans le Bassin lensois » selon un de ses proches, savait « aussi aider ou guider les jeunes femmes en mal de travail » vers les établissements de son ami Dominique Alderweireld. « Dans sa jeunesse, il proposait comme placier en porte à porte du linge de maison aux femmes des mineurs. Puis il leur vendait à crédit des meubles, de l'électroménager. Sa méthode était simple, il allait voir en mairie les publications des bans de mariage, relevait les adresses puis démarchait les futurs époux pour équiper le ménage », se souvient un de ses collègues. « Il vendait surtout du crédit! » soupire l'ami, éprouvé par ce rôle de « souteneur » que la police fait endosser à René Kojfer, décrit comme « un homme à double face ».

    Un supporteur du Losc

    « Un gars enjôleur, avenant, attachant, toujours enjoué et prêt à rendre service, au contact facile et avec un bagou incroyable! Il vous aurait vendu n'importe quoi », témoigne l'ancien complice des jeunes années avec qui il passe des heures aux terrasses des brasseries le Président ou le Moderne, sur la Grand-Place de Lille. A cette époque, on le voit écluser les établissements de nuit de Lille. Il fréquente aussi assidûment un ex-directeur de théâtre, très connu à Lille, devenu gérant d'une société de production de spectacles. Kojfer est de toutes les soirées en vue et sait « surtout cultiver ses relations et ses copains », selon son ami.

    L'ex-placier n'oublie pas d'assister régulièrement aux rencontres de football du Losc. Récemment, il a été vu au match Lille - Rennes juste avant son arrestation. René avait ses habitudes dans un bistrot proche du Carlton. Marié, père de deux grands enfants, René Kojfer, qui appartient à la communauté israélite du Vieux-Lille, partage sa vie avec une nouvelle compagne depuis plusieurs années. Il revendique être « franc-maçon » et le Carlton accueillait régulièrement des réunions de son obédience. Mais à la réflexion, l'ami de trente ans constate une chose : « Il savait si bien compartimenter sa vieâ?¦ » Contacté hier, Me Christophe Snyckerte, avocat de René Kojfer, n'a pas souhaité s'exprimer.