Arthur De la Baure
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Pour tenter de voir clair : ASSISE, défense versus accusation.

Defense

Le 1er janvier 2000, ouvrant la porte sainte à Sainte-Marie Majeure, le pape Jean-Paul II jette un regard en arrière :

« Je pense en ce moment à la rencontre de prière pour la paix, qui, en octobre 1986, réunit à Assise des représentants des principales religions du monde. Nous étions encore dans la période de ce que l’on appelait la « guerre froide » : réunis ensemble, nous avons prié pour éloigner la lourde menace d’un conflit qui semblait peser sur l’humanité. Nous avons donné voix, d’une certaine façon, à la prière de tous, et Dieu a accueilli la prière qui s’élevait de ses enfants. Même si nous avons dû assister à l’éclatement de dangereux conflits locaux et régionaux, le grand conflit mondial qui s’annonçait à l’horizon nous a toutefois été épargné […]. »

Le 28 janvier 2000, le chef de l’Église s’adresse avec autorité à la CDF, qui prépare la future déclaration Dominus Iesus au sujet de l’unicité et de l’universalité salvifique du Christ et de l’Église.

Citation :

« La réaffirmation de la doctrine du Magistère à propos de ces thématiques est proposée pour que le monde puisse voir “briller l’Évangile de la gloire du Christ” (2 Co 4,4) et pour réfuter les erreurs et les graves ambiguïtés qui sont apparues et qui se diffusent dans divers milieux. En effet, au cours de ces dernières années, dans des milieux théologiques et ecclésiaux, est apparue une mentalité qui tend à relativiser la révélation du Christ et sa médiation unique et universelle en ce qui concerne le salut, ainsi qu’à réduire le besoin de l’Église du Christ comme sacrement universel du salut. Pour remédier à cette mentalité relativiste, il faut tout d’abord réaffirmer le caractère définitif et complet de la révélation du Christ. […] ».

D’Assise I à Dialogue et annonce (1986-1991)

1986 : « Assise I »


Le 25 janvier 1986, Jean-Paul II annonce son intention de convoquer à Assise une réunion de prière pour la paix . Le 6 avril, il en précise la date. Le 27 juin, une conférence de presse du cardinal Etchegaray ajoute qu’il s’agira d’une journée de prière et de jeûne, et qu’il « ne faut pas s’attendre à une prière commune, mais on sera ensemble pour prier. Tous sont d’accord pour éviter tout ce qui pourrait porter au syncrétisme . » Le 22 octobre, le Souverain Pontife explique aux fidèles en quoi va consister la réunion :

« Précisément parce que le Christ est le centre de tout dans l’histoire et dans le cosmos, et comme “nul ne va au Père que par Lui” (cf. Jn 14,6), nous pouvons nous tourner vers les autres religions dans une attitude où s’entrecroisent simultanément un sincère respect et un fervent témoignage du Christ auquel nous croyons. En effet, il y a souvent en elles les semina Verbi “semences du Verbe” et “un rayon de l’unique vérité” dont parlaient déjà les premiers Pères de l’Église, vivant et opérant au milieu du paganisme, et auxquels se réfère le Concile Vatican II […]. Tout en étant conscients de ce que nous tenons pour les limites de ces religions, ceci n’empêche d’aucune manière qu’il faut reconnaître chez elles des valeurs et des qualités religieuses souvent insignes (cf. NA 2). Voilà, précisément, les “traces” ou “semences” du Verbe et les “rayons de sa vérité”. Parmi ces “semences” et ces “rayons”, on relève notamment la prière qu’accompagne souvent le jeûne ainsi que d’autres formes de pénitence et le pèlerinage aux lieux sacrés, entourés d’une grande vénération. Nous respectons cette prière même si nous n’entendons pas faire nôtres des formules qui expriment d’autres visions de la foi. Tout comme, du reste, les autres ne voudraient pas prendre à charge nos propres prières. C’est pour cette raison que, pour la rencontre d’Assise, a été choisie la formule : “Être ensemble pour prier”. Certes, il n’est pas possible de “prier ensemble”, c’est-à-dire de faire une prière commune, mais on peut être présent quand les autres prient ; de cette manière, nous manifestons notre respect pour la prière d’autrui et pour l’attitude d’autrui devant la Divinité ; en même temps nous offrons aux autres l’humble et sincère témoignage de notre foi en Jésus-Christ, Seigneur de l’Univers. […] . »

De fait, le 27, Jean-Paul II réunit à Assise 130 chefs ou représentants des principales confessions chrétiennes, d’une part, et des grandes religions, d’autre part. Le Pape précise à ces délégués :

« Le fait que nous soyons venus ici n’implique aucune intention de chercher un consensus religieux entre nous ou de mener une négociation sur nos convictions de foi. Il ne signifie pas non plus que les religions peuvent être réconciliées sur le plan d’un engagement commun dans un projet terrestre qui les dépasserait toutes. Ce n’est pas non plus une concession au relativisme en matière de croyances religieuses, car tout être humain doit suivre honnêtement sa conscience droite avec l’intention de rechercher la vérité et de lui obéir »

Il ajoute, lors de la conclusion de la journée :

« La forme et le contenu de nos prières sont très différents, comme nous l’avons vu, et il ne peut être question de les réduire à une sorte de commun dénominateur . »

L’initiative provoqua des réactions très diverses : d’un côté, les courants relativistes et indifférentistes crurent triompher : enfin l’Église catholique abandonnait l’idée qu’elle était seule vraie ! En raison de la même interprétation erronée, l’événement créa d’un autre côté plus que la surprise, l’étonnement, voire le scandale. Dans la frange intermédiaire de ceux qui avaient compris de manière correcte les intentions de Jean-Paul II, les réactions furent malgré tout variées. Pour certains, ce fut un moment de grand enthousiasme, d’espoir indéfini. Pour d’autres, une joie plus contenue, un espoir plus mesuré, la sensation d’un pas en avant posé vers moins d’agressivité entre les religions. (Rappelons-nous en effet que l’objet de la prière du jour devait être la paix dans le monde.) Enfin, un dernier groupe, tout en approuvant l’idée d’un tel rassemblement, fut extrêmement choqué que l’on puisse prêter des édifices catholiques non seulement à des chrétiens non catholiques, mais même à des non-chrétiens, pour leurs prières et cérémonies parfois idolâtriques. Et, il faut le reconnaître, il y eut des dérapages regrettables au moins dans une église, où, par exemple, Bouddha vint trôner sur un autel chrétien, incident que dénoncèrent même certains cardinaux.

Nous nous proposons d’essayer d’apprécier la portée de ce rassemblement d’Assise, jusqu’alors inconnu dans l’histoire de l’Église, et renouvelé (plus modérément) quelques années plus tard. Qu’ont pu en comprendre les chefs religieux convoqués là ? Quel a pu en être l’impact médiatique ? L’un des points à souligner, c’est que si les chrétiens, y compris les catholiques, ont effectivement prié ensemble et parfois devant les non-chrétiens, en revanche, ils n’ont pas prié avec les non-chrétiens . Le cardinal Ratzinger a bien expliqué à la fois l’utilité et les limites de cette prière « multireligieuse » : « À l’époque du dialogue et de la rencontre entre les religions, la question de savoir si on peut prier les uns avec les autres a nécessairement jailli. On distingue aujourd’hui la prière multireligieuse de la prière interreligieuse. Les deux journées mondiales de la prière pour la paix en 1986 et en 2002 à Assise offrirent le modèle de la prière multireligieuse . »

Il s’agissait de manifester par un signe fort une commune aspiration à la paix.

« Ceux qui se rassemblent savent cependant aussi que leur compréhension du “divin” et donc leur manière de s’adresser à lui divergent au point qu’une prière en commun serait fictivement commune et ne correspondrait pas à la vérité. Ils se rassemblent pour poser un signe du désir commun ; ils prient par contre – même si cela se fait de façon simultanée – dans des lieux séparés, chacun à sa manière.»

Reste qu’une telle manière de faire ne va pas de soi. Le cardinal ajoutait donc :

« À la suite d’Assise – en 1986 comme en 2002 – on a posé à plusieurs reprises et d’une manière très sérieuse la question : est-ce qu’on peut faire cela ? Ne trompe-t-on pas la grande majorité avec une harmonie qui n’existe pas dans la réalité ? Ne favorise-t-on pas le relativisme […] ? […] Il ne faut pas balayer de telles questions. Les dangers sont indéniables, et on ne saurait nier le fait que beaucoup ont mal interprété Assise, notamment en 1986. Inversement, il serait faux de rejeter totalement et catégoriquement la prière multireligieuse comme elle vient d’être décrite. Il me semble juste de la lier à des conditions qui correspondent aux exigences de la vérité intérieure et à la responsabilité qu’impose ce cri vers Dieu à la face du monde entier. Je vois deux conditions fondamentales : 1. Une telle prière multireligieuse ne peut être la situation normale de la vie spirituelle, elle ne peut être qu’un signe dans des situations extraordinaires où un cri commun se lève […]. 2. Un tel procédé s’accompagne quasi inéluctablement de la séduction de fausses interprétations et de la tentation de l’indifférentisme face au contenu de ce que l’on croit ou ne croit pas. C’est pourquoi, de tels procédés doivent rester des exceptions et surtout faire l’objet d’une clarification rigoureuse de ce qui se passe et de ce qui ne se passe pas . »

Il faut élucider les différences entre les religions, il s’agit des « décisions fondamentales elles-mêmes. Cette clarification est importante, non seulement pour les participants de l’événement, mais pour tous ceux qui en sont témoins ou qui en sont informés de quelque manière. Cet événement doit être assez clair en lui-même et devant tous pour ne pas devenir une manifestation du relativisme par lequel il serait anéanti dans sa raison d’être

Même si on ne prie pas ensemble, il reste toutefois à expliquer comment on peut moralement justifier Jean-Paul II d’avoir invité à Assise des non-chrétiens pour qu’ils prient pour la paix, ce qui semble impliquer une incitation à prier selon la forme déficiente et erronée qui est la leur. N’y a-t-il pas là ce qu’on nomme une coopération formelle au mal ? Pour répondre à cette question, il faut rappeler quelques principes de théologie morale fondamentale. On distingue deux sortes de coopération au mal :

1° Par la coopération formelle, on aide sciemment une personne à commettre une mauvaise action, en approuvant celle-ci, ou encore en posant soi-même une autre action mauvaise ; il s’agit évidemment d’un péché, qui ne se justifie aucunement et pour aucune raison .

2° Par la coopération matérielle, on fournit à la personne qui va agir mal une aide, un moyen rendant possible cette action mauvaise que soi-même, par ailleurs, on réprouve. Toutefois, il faut d’autres conditions pour qu’une telle coopération matérielle soit justifiable :

a) Elle demeure moralement illicite, si elle aide la personne pendant son action mauvaise, de telle sorte que le moyen fourni est une autre action, qui collabore au mal, et qui ne fait pas que le rendre possible dans le futur : on parle de coopération matérielle immédiate .

b) Lorsqu’au contraire on fournit au coupable une chose, un objet, qui va sans doute l’aider de fait à accomplir l’acte mauvais, mais non une action qui l’aide sur le moment, on nomme cela une coopération matérielle médiate ; celle-ci n’est pas toujours morale, ni toujours immorale.

La coopération (notamment matérielle médiate) s’inscrit dans le cadre plus général du volontaire à double effet, c’est-à-dire de vouloir poser une action pour une fin déterminée, effet voulu, alors que cette action entraîne un certain effet autre que la fin poursuivie. Lorsque l’effet autre que la fin est mauvais, il faut, pour que cela soit moral de poser l’action à double effet :

– que la fin poursuivie soit bonne ;

– que l’action posée comme un moyen en vue de ladite fin soit en elle-même bonne ou indifférente ; en particulier, il faudra donc que le moyen fourni ne soit pas un moyen qui ne peut servir qu’à une action mauvaise ; et aussi que l’effet mauvais ne soit pas lui-même moyen pour obtenir une fin bonne poursuivie ;

– donc l’effet mauvais ne doit être voulu ni comme fin ni comme moyen, mais seulement être prévu et toléré ;

– qu’il y ait une proportion entre le bien obtenu (la fin bonne) et le mal provoqué (l’effet mauvais) ; autrement dit, il faut que la grandeur du bien qui se trouve dans la fin poursuivie égale ou dépasse le mal provoqué indirectement. Pour cela, il faudra que la fin soit d’autant meilleure, • que le risque du mal est plus grand ; • que le mal provoqué est plus grand ; • que le mal provoqué est causé plus directement. ; • que le mal est causé avec plus de certitude ; • que l’on est davantage chargé d’éviter ce type précis de mal.

Appliquons ces principes à l’acte de convocation des chefs de religions non chrétiennes au congrès d’Assise. Il est évident que Jean-Paul II n’a pas adhéré aux religions non chrétiennes, et qu’il ne visait pas le syncrétisme religieux. D’autre part, rappelons que ne sont tenus subjectivement à une obligation objective que ceux qui sont aptes à la percevoir. Jean-Paul II est parti de la présomption de droit que ces chefs de religions étaient aptes à percevoir l’obligation naturelle de rendre un culte à Dieu, mais non l’obligation surnaturelle d’adhérer au christianisme. S’il a invité les chefs d’autres religions à venir prier, il s’agissait donc pour eux de prier du mieux qu’ils pouvaient, et selon leur conscience, ce qui est une obligation naturelle objective, sans le moins du monde les encourager positivement à prier selon une erreur. L’erreur que véhicule une religion naturelle fausse est accidentelle au fait de remplir son devoir naturel objectif de rendre un culte de prière à Dieu. La volonté de Jean-Paul II visait la prière et la rectitude subjective de la conscience, non l’erreur. Sa coopération ne fut donc pas formelle.

Passons donc à l’examen rapide de sa coopération matérielle. Comme le Pape n’a pas participé aux prières non chrétiennes, il ne s’agissait pas d’une coopération matérielle immédiate. Néanmoins, la coopération matérielle médiate qui a consisté à les inviter et à leur fournir des lieux de culte se justifiait-elle ?

La fin était bonne (assouplir les tensions entre les religions, notamment l’islam et les autres, afin d’éviter une déflagration mondiale). Le moyen fourni était indifférent : en effet, permettre à quelqu’un d’entrer dans une église pour prier est une chose en soi indifférente. Les prières non chrétiennes en ce qu’elles avaient de mauvais ou d’erroné ou d’imparfait, n’étaient pas voulues comme fin ni comme moyen, mais seulement prévues et tolérées. Le mal ainsi toléré était, on l’a vu, mêlé d’un grand bien (l’accomplissement du devoir naturel de prier Dieu). La suite de la réflexion concernerait l’évaluation et la pondération du mal provoqué indirectement et du bien obtenu. Il s’agit là d’un jugement prudentiel, sur lequel les avis peuvent diverger. Parmi les maux provoqués, il y a les mauvaises interprétations données par les médias à cette affaire, et la compréhension erronée du geste par le vulgum pecus. Parmi les biens, la baisse de tension entre les religions, ou du moins l’apparition de mouvements pacificateurs au sein des diverses religions n’est aucunement négligeable.

Le 22 décembre 1986, Jean-Paul II expliquera à la Curie l’« esprit d’Assise » , en insistant sur l’unité dans le Christ du dessein divin envers l’humanité, et en répétant qu’Assise ne signifie pas l’ombre « de confusion ni de syncrétisme [.» Le 10 janvier 1987, s’adressant au corps diplomatique, il soulignera encore qu’« il ne s’agissait pas […] de négocier des convictions de foi pour arriver à un consensus religieux syncrétiste . »
Accusation

La publication italienne « SI SI NO NO » dans son numéro du 18 octobre 1986 a exposé tous les critères théologiques qui condamnent « La journée mondiale de prière » pour la paix qui a été réunie à Assise à la demande du Pape. Cette étude écrite avant cette journée a valeur de document, c’est la raison pour laquelle FIDELITER la reproduit et la livre à ses lecteurs.
On a dit, avec une précision certainement involontaire, que « la rencontre de prière » d’Assise est une « initiative personnelle » de Jean-Paul II. En tant qu’initiative « personnelle » – une sortie, pour parler clairement – elle n’engage aucunement son mandat de « pasteur et maître de tous les chrétiens » (Vatican I) et ne concerne pas non plus la doctrine, en se conformant au thème – politique – proposé par l’O.N.U. pour cette année 1986 proclamée « année internationale de la paix ».
Le 27 octobre prochain se réuniront à Assise, non seulement les catholiques, mais aussi « les représentants des autres religions du monde » pour une rencontre pour la paix » (Cf. « L’Osservatore Romano » des 26/27 janvier dernier).
Ceux que Jean-Paul II a appelés « les représentants des autres religions » ont toujours été appelés plus proprement par l’Église « infidèles » : « sont infidèles en un sens plus général tous ceux qui n’ont pas la vraie foi ; au sens propre les infidèles sont les non-baptisés et ils se divisent en monothéistes (juifs et musulmans), polythéistes (hindous, bouddhistes, etc …) et athées » (Roberti-Palazzini, Dizionario di teologia morale, p. 813). Et ce que Jean-Paul II a appelé les « autres religions » a toujours été appelé plus proprement par l’Église les « fausses religions » : est fausse toute religion non chrétienne « en tant que ce n’est pas la religion que Dieu a révélée et veut voir pratiquer. Est fausse aussi, en outre, toute secte chrétienne non catholique, en tant qu’elle n’accepte ni ne pratique fidèlement tout le contenu de la révélation » (ibidem).
Cela dit, la « rencontre de prière » ne peut être considérée, à la lumière de la foi catholique, que comme :
1) Une injure faite à Dieu
2) Une négation de la nécessité universelle de la Rédemption
3) Un manque de justice et de charité envers les infidèles
4) Un danger et un scandale pour les catholiques
5) Une trahison de la mission de l’Église et de saint Pierre

Injure faite à Dieu
Toute prière, y compris la prière de demande, est un acte de culte (S. Th., II. II, q. 83). Comme telle, elle doit s’adresser à Celui à qui elle est due et de la manière qu’il faut.
Celui à qui elle est due : le seul vrai Dieu, Créateur et Seigneur de tous les hommes à qui Notre-Seigneur Jésus-Christ les a ramenés (I Jn V 20) en confirmant le premier commandement de la Loi : « Je suis le Seigneur, ton Dieu… Tu n’auras d’autres dieux que Moi seul… tu ne les adoreras ni ne leur rendras de culte » (Ex. XX 2,5, cf. Mt. IV 3–10 ; Jn XVII 3, Tim. II 5. Voir à ce sujet Pietro card. Palazzini, Vita e virtu cristiane, p. 52 et Garrigou Lagrange, De Revelatione, Rome-Paris 1918, t. I p. 136).
De la manière qu’il faut : qui corresponde par conséquent à la plénitude de la Révélation sans mélange d’erreur : « L’heure vient, et c’est maintenant où les vrais adorateurs adoreront Dieu en esprit et en vérité : car le Père désire que soient tels ceux qui l’adorent » (Jn IV, 23).
La prière, adressée aux fausses divinités ou animée d’opinions religieuses contrastant en tout ou en partie avec la Révélation divine, n’est pas acte de culte mais de superstition, elle n’honore pas Dieu mais l’offense ; objectivement au moins, c’est un péché contre le premier commandement (Cf. S. Th. 11.11, qq. 92–96).
Qui vont prier ceux qui se réuniront à Assise, et de quelle manière ? Invités dans leur uniforme de « représentants des autres religions » ; « ils prieront chacun de manière et dans le style qui leur sont propres » . C’est ce qu’a expliqué le cardinal Willebrands, président du secrétariat pour les non-chrétiens (voir « l’Osservatore Romano » des 27/28 janvier dernier, p. 4). La chose a été confirmée le 27 juin dernier par le Cardinal Etchegaray en une conférence de presse publiée par « La Documentaiton catholique » des 7/21 septembre 1986 sous la rubrique Actes du Saint-Siège : « II s’agit de respecter la prière de chacun, de permettre à chacun de s’exprimer dans la plénitude de sa foi, de sa croyance. »
A Assise donc, le 27 octobre, la superstition sera largement pratiquée et sous ses formes les plus graves, du « faux culte » des Juifs qui pendant l’ère de la grâce, prétendent honorer Dieu en niant son Christ (cf. S. Th. 11.11 q. 92 a. 2 ad 3 et 1.11 q. 10 a. 11) à l’idolâtrie des hindouistes et bouddhistes qui rendent un culte à la créature au lieu de le rendre au Créateur (cf. Act. XVII 16).
Leur approbation au moins extérieure, par la hiérarchie catholique est souverainement injurieuse pour Dieu en supposant et en laissant supposer qu’Il puisse regarder d’un œil également bienveillant tant un acte de culte qu’un acte de superstition, tant une manifestation de foi qu’une manifestation d’incrédulité (cf. S. Th. 11.11 q. 94 a. 1), tant la vraie religion que les religions fausses ; bref, tant la vérité que l’erreur.

Négation universelle de la Rédemption
Il y a un unique Médiateur entre Dieu et les hommes : Notre-Seigneur Jésus, Fils de Dieu et vrai homme (I Tim. II 5). Par nature, les hommes sont « enfants de colère » (Eph. II 3) : par Lui, ils ont été réconciliés avec le Père (Col. I 20) et ce n’est que par la foi en Lui qu’ils puissent avoir la hardiesse de s’approcher de Dieu en toute confiance (Eph. III 12).
A Lui a été donné tout pouvoir au ciel et sur la terre (Mt XXVIII 18) et en son nom tout genou devra fléchir, au ciel, sur terre et aux enfers (Phil. II 10.11).
Nul ne va au Père sinon par Lui (Jn XIV 6) et il n’existe aucun autre nom sous le ciel par lequel l’homme puisse se sauver (Act. IV 12). Il est la Lumière qui illumine tout homme qui vient en ce monde (Jn I 9), et quiconque ne Le suit pas chemine dans les ténèbres (Jn VIII 12). Qui n’est pas pour Lui est contre Lui (Mt XIII 30) et qui ne l’honore pas outrage aussi son Père qui L’a envoyé (comme le font précisément les Juifs) (Jn V 23). C’est à Lui que le Père a remis le jugement des hommes, mais celui qui ne croit pas a déjà été jugé puisqu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu (Jn III 18) : en Lui et au Père qui L’a envoyé (Jn XVII 3).
II est, de plus, le Prince de la Paix (Is. IX 6, cf. Eph. II 14 et Michée V 5), car les divisions, les conflits et les guerres sont le fruit amer du péché dont l’homme ne se libère pas par sa vertu propre, mais en vertu du Sang du Rédempteur.
Quelle part Notre-Seigneur Jésus-Christ aura-t-il à Assise à la prière des « représentants des autres religions » non chrétiennes ? Aucune, car il reste pour eux soit une inconnue, soit une pierre d’achoppement, signe de contradiction. L’invitation qui leur a été adressée de prier pour la paix du monde suppose et laisse inévitablement supposer qu’il y a des gens – les chrétiens – qui doivent s’approcher de Dieu par la médiation de Notre-Seigneur Jésus-Christ et en son nom et d’autres – le reste du genre humain – qui peuvent s’approcher de Dieu directement en leur propre nom, sans tenir compte du Médiateur ; des hommes qui doivent ployer le genou devant Notre-Seigneur Jésus-Christ et d’autres qui en sont exemptés ; des hommes qui doivent chercher la paix dans le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ et d’autres qui peuvent obtenir la paix en dehors de son règne et même en s’y opposant. C’est ce qui ressort d’ailleurs des déclarations des deux cardinaux cités plus haut : « Si pour nous chrétiens, le Christ est notre paix, pour tous les croyants la paix est un don de Dieu » (cardinal Willebrands dans « L’Osservatore Romano » cité) ; « pour les chrétiens, la prière passe par le Christ » (cardinal Etchegaray dans la « documentation catholique » , citée).
« La rencontre de prière » d’Assise est donc la négation publique de la nécessité universelle de la Rédemption.

Manque de justice et de charité envers les infidèles
« Jésus-Christ n’est pas facultatif » a dit le cardinal Pie. Il n’y a pas des hommes qui sont justifiés par la foi en Lui et d’autres qui sont justifiés sans tenir compte de Lui : tout homme se sauve dans le Christ ou se perd sans Lui. Il n’y a pas non plus de fins dernières naturelles pour lesquelles l’homme puisse opter à titre d’alternative à son unique fin surnaturelle ; si, égaré comme il l’est par le péché, il ne trouve pas dans le Christ la seule Voie (Jn IV 6) par où atteindre la fin pour laquelle il a été créé, il ne lui reste que la ruine éternelle.
C’est la vraie foi et non pas, donc, la simple « bonne foi », qui est la condition subjective de salut pour tous, même pour les païens ; puisqu’elle est de nécessité de moyen, « si elle vient à manquer (même involontairement) il est absolument impossible d’opérer le salut éternel (Hebr. XI 6) (Roberti-Palazzini, op. cit. p. 66).
L’infidélité volontaire, explique saint Thomas, est une faute et l’infidélité involontaire est un châtiment. En effet, les infidèles qui ne se perdent pas par le péché d’incrédulité, c’est-à-dire par le péché de ne pas avoir cru au Christ dont ils n’ont jamais rien su, se perdent par leurs autres péchés dont rémission ne peut être faite à personne sans la vraie foi (voir Mc XVI 15–16 ; Jn XX 31 ; Hébr. XI 6 ; Concile de Trente dans Denzinger 799 et 801 ; Vatican II Dz. 1793 ; cf. S. Th. 11.11 q. 11 art. 1).
Rien donc n’est plus important pour l’homme que l’acceptation du Rédempteur et l’union au Médiateur : c’est affaire de mort ou de vie éternelle. Voilà ce que les infidèles ont le droit de s’entendre annoncer par l’Église catholique conformément au commandement divin (Mc VI 16 ; Mt XXVIII 19–20). Et voilà ce que l’Église catholique a toujours annoncé aux infidèles en priant non avec eux mais pour eux.
Que se passera-t-il à Assise ? On n’y priera pas pour les infidèles, présumant donc implicitement et publiquement qu’ils n’ont plus besoin de la vraie foi. Au lieu de cela, on priera en s’unissant à eux ou, selon la subtilité rabbinique de Radio-Vatican, on se tiendra auprès d’eux pour prier, présumant ainsi implicitement et publiquement que la prière dictée par l’erreur est agréée de Dieu autant que la prière faite « en esprit et en vérité ». « Il s’agit de respecter la prière de chacun » a expliqué le cardinal Etchegaray dans sa brève déclaration. Cela veut dire que les infidèles qui se réuniront à Assise et qui – prenons‑y garde – ne sont pas ces « sauvages élevés dans les forêts » qui « n’ont jamais rien su de la foi » et sur lesquels les théologiens bâtissent leurs hypothèses quand ils discutent le problème du salut des infidèles (S. Th., De Veritate XIV 11), seront « respectueusement » laissés « dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort » (Lc I 79).
Autorisés à prier dans leur costume distinctif de « représentants des autres religions » et conformément à leurs croyances religieuses erronées, ils sont même encouragés à persévérer dans les péchés, matériels au moins, contre la foi : l’infidélité, l’hérésie, etc… Invités à prier pour la paix du monde, définie comme étant un bien « fondamental » et « suprême » (Jean-Paul II et le cardinal Willebrands dans « L’Osservatore Romano », respectivement les 7/8 avril et 27/28 janvier 1986), ils sont détournés des biens éternels vers un bien temporel, vers une fin secondaire naturelle, comme s’ils n’avaient pas à se procurer une fin dernière surnaturelle, celle-ci vraiment fondamentale et suprême : « Cherchez le règne de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné en surplus » (Mt VI 33). Pour tous ces motifs, la « rencontre de prière » d’Assise est, au moins vue de l’extérieur, un manquement à la justice et à la charité envers les infidèles.

Péril et scandale pour les catholiques
La vraie foi est indispensable au salut. Les catholiques sont donc obligés d’éviter tout danger prochain pour leur foi. Parmi les dangers extérieurs se trouve le contact avec les infidèles quand il ne résulte pas d’une véritable nécessité. Ce contact est illicite en vertu du droit naturel et divin avant même de l’être en vertu du droit ecclésiastique et même dans les cas où le droit ecclésiastique ne l’interdit pas, par exemple dans les relations sociales : Haereticum hominem devita, Evitez l’hérétique » (Tit. III 10).
L’Église a d’ailleurs toujours interdit, par souci maternel tout ce qui pourrait être pour les catholiques non seulement un danger pour la foi mais aussi un motif de scandale. (Voir le Code de Pie X, publié par Benoît XV, qui reprenait le droit séculaire de l’Église, les canons 1258 et 2316 ; et S. Th. 11.11 q. 10, art. 9–11).
Quant aux fausses religions, l’Église leur a toujours refusé le droit au culte public. Elle a toléré quand c’était nécessaire, mais tolérance veut toujours dire « par rapport à un mai à permettre pour une raison proportionnée » (Roberti-Palazzini, op. cit. p. 1702). En tout cas elle a toujours évité et interdit toute approbation apparente des rites non catholiques.
Qu’est-ce qui va se passer à Assise ? Catholiques et infidèles y « seront ensemble pour prier » (bien que ce ne soit pas « pour prier ensemble » selon l’insupportable jeu de mots ci-dessus). Ce qui veut simplement dire qu’ils prieront ensemble à Assise, mais d’abord aux mêmes moments dans leurs résidences respectives, ensuite à tour de rôle étant réunis pour la cérémonie de clôture devant la basilique supérieure de saint François. Or ceci ne se fait pas pour protéger la foi des catholiques ou pour éviter au moins de les scandaliser. C’est pour permettre à chacun de prier « selon la manière et le style qui leur sont propres » , pour « respecter la prière de chacun » et « permettre à chacun de s’exprimer dans la plénitude de sa foi, de sa croyance (voir déclarations des cardinaux Willebrands et Etchegaray citées ci-dessus). Voilà qui comporte une approbation au moins extérieure :
1) Des faux cultes auxquels l’Église a toujours dénié tout droit ;
2) Du subjectivisme religieux qu’elle a toujours condamné sous les noms d’indifférentisme ou de latitudinarisme et qui « cherche à se justifier par de prétendues exigences de la liberté, méconnaissant les droits de la vérité objective qui se manifeste soit par les lumières de la raison, soit par celles de la Révélation » (Roberti-Palazzini op. cit. p. 805).
Or l’indifférentisme religieux qui « est l’une des hérésies les plus délétères » et qui « met toutes les religions sur le même plan », entraîne inévitablement à regarder la vérité de la croyance religieuse aux raisons d’être de la vie réglée et du salut éternel comme injustifiée : « On finit par regarder la religion comme un fait tout à fait individuel, dans lequel on s’adapte aux dispositions de chacun, le laissant se former une religion personnelle, et par conclure que toutes les religions sont bonnes bien qu’elles se contredisent entre elles » (ibidem op. cit. p. 805). Mais en cela nous sommes en dehors de l’acte de foi catholique. Nous en sommes à l’« acte de foi du vicaire savoyard » de Rousseau, un illuminé, qui est un acte d’incrédulité à l’égard de la Révélation divine. Celle-ci est en effet un fait réel, une vérité accréditée par Dieu au moyen de signes certains parce que l’erreur en ce domaine aurait pour l’homme les conséquences les plus graves (Léon XIII, encyclique Libertas 1888). Or, « en présence d’un fait réel ou d’une vérité évidente, l’on ne peut être tolérant au point d’approuver l’attitude de qui les considère comme inexistants ou faux, cela supposerait que nous ne croyons pas tout à fait ou ne soyons pas pleinement convaincus de la vérité de notre position, ou que nous ne soyons (ou estimions être) en présence d’une matière absolument indifférente ou banale, ou encore que nous considérions la vérité ou l’erreur comme des positions purement relatives » (Roberti-Palazzini op. cit. p. 1703).
Et puisque la « rencontre de prière » comporte précisément tout cela, elle est occasion de scandale pour les catholiques et grave danger pour leur foi. Du fait de l’œcuménisme, ils se retrouveront enfin réunis aux infidèles, certes, mais dans leur « ruine commune » (Pie XII Humani Generis, 1950).

Trahison de la mission confiée à Pierre et à l’Église
Il s’agit d’annoncer à toutes les nations
1) Qu’il y a un seul vrai Dieu, qui s’est révélé au profit de tous les hommes en Notre-Seigneur Jésus-Christ ;
2) Qu’il n’y a qu’une seule vraie religion, la seule où Dieu veuille être honoré, parce qu’il est Vérité et que tout ce qui s’oppose à la vérité dans les fausses religions Lui répugne : erreurs de doctrine, immoralité des lois, inconvenances de rites ;
3) Qu’il n’y a qu’un seul Médiateur, entre Dieu et les hommes, par qui l’homme puisse espérer être sauvé, parce que tous sont pécheurs et demeurent dans leur péché s’ils sont privés du Sang du Christ ;
4) Qu’il y a une seule vraie Église, conservatrice à perpétuité de ce Sang et « qu’il faut donc croire que nul ne peut se sauver hors de l’Église apostolique romaine, qui est l’unique arche de salut, et que ceux qui n’y entrent pas périront dans le déluge » (Pie IX, Denzinger 1647) ; encore leur faut-il y entrer ayant parmi leurs dispositions morales au moins le désir, explicite ou implicite, d’accomplir toute la volonté de Dieu, si leur ignorance est vraiment invincible (ibidem).
La mission propre de l’Église est donc d’annoncer tout ceci : « Allez instruire tous les peuples ; baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit en leur apprenant à observer tout ce que Je vous ai commandé » (Mc XXVIII 19–20). « Parcourez le monde entier, prêchez l’Evangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas, sera damné » (Mc XVI 16).
Or pour que l’Église pût accomplir avec assurance cette mission au cours des siècles, Notre-Seigneur Jésus-Christ a conféré à saint Pierre et à ses successeurs la mission de Le représenter visiblement (Mt XVI 17–19 ; Jn XXI 15–17) : « Ce vicaire de Jésus-Christ n’a donc pas précisément la charge d’établir une nouvelle doctrine à l’aide de nouvelles révélations, ni de créer un nouvel état des choses, ni d’instituer de nouveaux sacrements, telle n’est pas sa fonction. Il représente Jésus-Christ à la tête de son Église dont la constitution est achevée. Cette constitution essentielle, c’est-à-dire la création de l’Église, a été l’œuvre propre de Jésus-Christ, qu’Il devait mener à terme Lui-même et dont Il dit au Père : « J’ai accompli l’œuvre que Vous m’avez donnée à accomplir (Jn XVII 4). II n’y a plus rien à y ajouter, il ne faut que maintenir cette œuvre, assurer l’œuvre de l’Église et présider au fonctionnement de ses organes. II y faut deux choses : la gouverner et perpétuer l’enseignement de la vérité. Le Concile Vatican I ramène à ces deux objets la fonction suprême du Vicaire de Jésus-Christ. Pierre représente Jésus-Christ sous ces deux aspects » (Dom Adrien Gréa, De l’Église et de sa divine constitution ; cf. Vatican I, Const. Pastor Aeternus, Chapitre IV).
Pouvoir donc sans égal que celui de Pierre, mais pouvoir comme vicaire et comme tel, nullement absolu mais limité par le droit divin de Celui qu’il représente : « Le Seigneur a confié à Pierre non les brebis de Pierre, mais les siennes propres pour les faire paître non pas dans son propre intérêt mais dans celui de Dieu » (Saint Augustin, sermon 285, n° 3). Il n’est donc point au pouvoir de Pierre de promouvoir des initiatives en désaccord avec la mission de l’Église et du Pontife romain, comme l’est évidemment « la rencontre de prière » d’Assise. Il ne peut inviter des « représentants » des fausses religions à prier leurs faux dieux en des lieux consacrés à la foi au vrai Dieu, lui qui est le Vicaire de Celui qui a dit : « Va-t-en Satan, car il est écrit : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et ne rendras de culte qu’à Lui » (Deut. VI 13 ; Mt IV 10).
Il ne peut autoriser à faire abstraction de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lui, le successeur de celui qui obtint la primauté en raison de sa foi pour avoir dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt XVI 16 ; cf. Jn VI 69–70). Ce n’est pas à lui d’être pierre d’achoppement pour la foi de ses frères et de ses fils, lui, le successeur de celui qui a reçu la charge de les confirmer dans la foi (Lc XXII 32).