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L’espérance chrétienne pour le monde

Maranatha, oui, viens Seigneur ! Si la venue glorieuse du Christ (la « Parousie ») se réduisait à n’être que la fin du monde et la mort de tous les hommes, le Christ n’aurait pas besoin de « venir » : aujourd’hui comme à la fin du monde, pour passer dans l’au-delà, la mort suffit.
La manifestation glorieuse du Christ que nous attendons dans le monde est un événement objectif qui anéantira l’Antichrist (2Th 2, 3-12) et inaugurera quelque chose de nouveau que nous pourrions appeler une vie avec Dieu, car Dieu fait « sa demeure parmi les hommes » (Ap 21, 3). C’est quelque chose de bien mystérieux, mais qui est davantage que ce que nous connaissons actuellement et que nous appelons « vivre l’Évangile », avoir « une vie mystique ». Redisons-le, si ce n’était pas quelque chose de nouveau, il serait inutile que le Christ revienne dans le monde et on verrait mal pourquoi le Credo proclame « nous attendons son retour dans la gloire ».

La promesse de Jésus (Mt 19, 28-29) ouvre incontestablement une espérance non seulement pour l’au-delà de la mort au plan individuel, mais pour le monde. A travers un certain jugement qu’il nous faudra expliquer, la création accomplira le but et la grandeur pour laquelle elle a été créée, l’histoire a un sens. Cependant, certaines méprises, contresens et oublis ont occultés cette Bonne Nouvelle, en particulier en Occident. La culture musulmane a gardé un vague souvenir de cette annonce lorsqu’elle parle du retour de ‘Issa (Jésus) et du jugement de l’Antichrist, mais sa vision est déformée. Les chrétiens ont à redécouvrir le sens authentique de la Parousie, et plus que jamais, à l’annoncer.

1. La promesse de Jésus (Mt 19, 28-29)

« En vérité je vous le dis, à vous qui m’avez suivi : dans la régénération [araméen : bᶜālmā ḥaṯā littéralement : dans le monde nouveau ou dans le siècle nouveau], quand le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous siégerez vous aussi sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël. Et quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra bien davantage et aura en héritage la vie éternelle. » (Mt 19, 28-29)

« Fils de l’homme » : il s’agit d’une expression propre au prophète Daniel, que Jésus s’attribue et qui annonce celui qui, venant sur les nuées, règnera éternellement sur toutes les nations (Dn 7, 13-14). C’est avec cette expression que Jésus a toujours annoncé sa mort et sa résurrection. Celui qui juge et qui régénère, c’est le Fils de l’homme, mort sur la croix et ressuscité.
« Dans la régénération (dans le siècle nouveau) ». Autrement dit, une reprise du dessein du Créateur qui va enfin s’accomplir. Le monde n’est pas promis à une destruction, il est promis à une régénération. Le but de cette conférence sera de détailler la consistance de ce temps nouveau.
« Vie éternelle » : La « régénération » ou « le siècle nouveau », ce n’est pas encore la vie éternelle, c’est un « temps intermédiaire », la préparation à la vie éternelle.
« Son trône » : Le Christ va s’asseoir sur un trône : c’est la position du roi qui juge, il jugera la réponse à l’évangélisation du monde que certains auront fait fructifier, préparant ainsi le royaume de Dieu, mais que d’autres auront refusée et remplacée par des contrefaçons, préparant l’Antichrist.

« Douze trônes » : Les disciples de Jésus vont aussi siéger sur des trônes. Cela ne signifie pas qu’ils vont revenir sur la terre : de même que Jésus reviendra dans la gloire, de même ses disciples vont apparaître avec le Christ, à la manière des apparitions du Christ ressuscité. Le chiffre douze se réfère au travail de l’évangélisation issu des douze apôtres, le 12e étant Mathias et non pas Judas.

1. De la création à son accomplissement, le sens de l’histoire

« Toute la création espère et attend la révélation des fils de Dieu. Car la création a été assujettie au néant, non de son gré, mais à cause de celui qui l’a assujettie, concernant l’espérance qu’elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, [pour entrer] dans la liberté de la gloire des fils de Dieu » (Rm 8, 19-21 ‒ araméen).

La création de l’univers fut un acte créatif et un acte conservateur. Toutes les choses créées : les cieux, la terre, le soleil, tout, ayant été créé par la très sainte Trinité, celle-ci a le droit de les habiter, et, en demeurant en elle, le Créateur les conserve dignement, en les maintenant toujours belles et neuves.
La création de l’homme fut différente : à l’acte créateur et conservateur s’ajoute un acte continu de sorte que l’homme puisse ressembler à Dieu, lui le Dieu trois fois saint qui ne sait que créer des êtres saints, beaux et heureux tels que Lui. Le premier chapitre du livre de la Genèse évoque la création de l’homme, Dieu parle, il parle à l’homme lorsqu’il sera éveillé. La création de l’abîme recouvert des ténèbres (Gn 1, 2) représente la dimension de l’homme qui ne lui serait pas connue si elle ne lui était pas révélée. Cet abîme recouvert de ténèbres représente l’instauration divine de nouvelles possibilités de vie. L’homme en effet se renouvelle dans ses pensées, ses paroles, ses œuvres. La nature humaine, selon le dessein du créateur, comporte une participation au souffle divin, à sa palpitation, au flux continuel de sa vie. L’homme est donc appelé à échanger son amour avec l’amour de Dieu, et à lui céder sa volonté pour vivre dans le divin vouloir. L’humanité est appelée à s’approprier ce que Dieu a mis à sa disposition, or Dieu a donné sa vie pour pouvoir reproduire sa ressemblance dans sa créature humaine.
A l’origine, l’homme connaissait clairement les vérités divines, il connaissait aussi les vertus bénéfiques possédées par les choses créées au profit des créatures.

La chute d’Adam aurait pu entraîner l’anéantissement de tout l’univers dont le but est que l’homme vive de la vie divine. Depuis que l’humanité ne veut plus recevoir la divine volonté en tant que vie, le Créateur se trouve dans la situation d’un riche seigneur, qui, après avoir bâti un grand et beau palais, y est reçu à coups de pierres.

La promesse et le Rédempteur
Si l’univers a été maintenu dans l’existence, c’est sans aucun doute à cause de la promesse qui suit immédiatement la chute : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, dit Dieu au serpent, entre ton lignage et le sien ; il (le lignage ou un homme dans celui-ci) t’écrasera la tête et tu l’atteindras au talon » (Gn 3, 15).
Le Créateur, avec une immense bonté, a dispensé les effets de sa divine volonté qui sont ses lois, et cela dès l’Ancien Testament, puis dans le temps de l’Eglise, l’exemple de Jésus et les sacrements.
A l’humanité déchue, Jésus est envoyé pour montrer l’exemple selon les termes de la voix céleste au Jourdain : « Tu es mon Fils bien-aimé, toi, en qui (bāk) je me suis complu (eṣṭbīt) » (Mc 1, 11 BJ). Nous avons ici, conjugué à la forme etp‘el, c’est-à-dire la forme passive ou réfléchie, le verbe vouloir ṣbā, qui signifie aussi désirer, aimer, se complaire en. Il est possible de dire que Jésus porte en lui le divin vouloir, à condition d’entendre une puissance et un dynamisme correspondant à une forme verbale.

Au moment de la Venue glorieuse de Jésus, la « Parousie », ceux qui auront refusé la grâce offerte en Jésus n’auront plus le droit de vivre sur la Terre. C’est ce que l’Apocalypse dit en parlant de la Bête et du faux prophète expulsés et jetés dans l’étang de feu (Ap 19, 20). Seuls ceux qui veulent le règne de Dieu, - le règne de son divin vouloir - pourront vivre sur la Terre, et vivront de l’instauration de la vie divine. Le but de la création va s’accomplir.

2. Méprises, contresens et oubli

Certaines interprétations absurdes ont discrédité la réalité du Royaume à venir, surtout de la part de gréco-latins. Par exemple, saint Justin (±102 - martyr vers 166 à Rome), probablement par souci de simplifier, plaçait la résurrection générale des corps lors de la Venue glorieuse du Christ déjà : « Nous savons qu’une résurrection de la chair arrivera pendant mille ans dans Jérusalem rebâtie, décorée et agrandie » (Dialogue avec Tryphon, 80). Il faudra beaucoup l’agrandir…

Saint Augustin (354-430) enseignait d’abord le temps de la régénération, qu’il appelle, comme beaucoup d’autres, le « septième jour » avant le « huitième jour » qui figure l’éternelle vie (Sermon 259). Mais au livre XX de La Cité de Dieu, saint Augustin exclut nettement la perspective de la régénération. De la sorte, à la fin de sa vie, saint Augustin (période moraliste) nous a laissé imaginer que la Venue glorieuse du Christ n’était rien d’autre que la fin et la mort du monde, avec le Jugement.

Il y eut ensuite une lente dérive intellectualiste qui remonte à l’époque médiévale, quand des Universités ont acquis un certain monopole de l’interprétation des Écritures. Pour un intellectuel, ce qui concerne l’avenir n’étant pas rationnel, ce n’est pas un sujet !

Pour aggraver la situation, les chrétiens d’Occident perdirent le contact avec les chrétiens d’Orient. Même l’œuvre magistrale du grand saint Irénée, disciple de saint Polycarpe, lui-même disciple de saint Jean, fut en partie oubliée. La première édition imprimée par Erasme (1467-1536) de son Traité contre les hérésies est tronquée de toute la fin du texte, et se terminait sur l’idée de jugement (V, 31, 2) or la véritable conclusion, celle qui fut oubliée, donne la raison d’être du royaume des justes (V, 36, 3).

Nous avons donc structuré notre pensée occidentale sur l’oubli du temps de la régénération et nous sommes enfermés dans le moralisme. Il est vrai que la terre est « la maison commune », et que trier ses déchets, « c’est bon pour la planète » ; avec inquiétude ou avec fierté, notre génération se sent responsable du destin du monde, et c’est bien. L’interdépendance est générale (commerciale, écologique, climatique) et il est évident que l’espérance ne peut pas être uniquement individuelle. Cependant, dire cela, c’est en rester à un moralisme. Ce n’est pas encore donner une espérance, et beaucoup d’hommes – et de jeunes – sont actuellement en pleine désespérance !
Les uns croient que le monde étant voué à la destruction, autant verser dans le nihilisme. D’autres, plus moralistes, considèrent que ce monde est tellement corrompu que plus vite il sera détruit, mieux ce sera.
À l’inverse, d’autres se forgent des croyances que l’on pourrait appeler des messianismes politiques, c’est-à-dire qu’ils prétendent vouloir réaliser sur la terre ce qui ne peut s’accomplir que dans la puissance de la Parousie. Il y aurait ainsi des royaumes de Dieu sur la terre. Si vous en avez rencontré un, écrivez à l’auteur !

Un schéma montre les fausses questions qui surgissent à cause de l’oubli de la Venue glorieuse du Christ :
A l’inverse, d’autres se forgent des croyances que l’on pourrait appeler des messianismes politiques, c’est-à-dire qu’ils prétendent vouloir réaliser sur la terre ce qui ne peut s'accomplir que dans la puissance de la Parousie. Il y aurait ainsi des royaumes de Dieu sur la terre. Si vous en avez rencontré un, écrivez à l’auteur !

Sans le temps de la Parousie, le règne des 1000 ans, le monde humain ne peut être sanctifié, la création ne peut accomplir son but, et ne peut être assumée dans la gloire divine.

Même les traductions modernes du Nouveau Testament souffrent de cet oubli.
Saint Paul est tout à fait explicite quand il écrit :
« 22 En effet, c’est en Adam que meurent tous les hommes ; c’est dans le Christ que tous revivront 23 mais chacun à son rang :
en prémices (ou premiers fruits ‒ araméen), le Christ [étape 1]
ensuite ceux qui seront au Christ lors de sa venue [étape 2]
24 ensuite sera la fin quand il remettra son Royaume à Dieu le Père [étape 3]
après avoir fait cesser toute Principauté, Domination et Puissance [les forces du Mal, dont la soumission est objet de l’étape 2].

25 C’est lui en effet qui doit régner jusqu’au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis [rappel de l’étape 2].

26 Et le dernier ennemi qu’il fera cesser, c’est la mort [étape 3] ». (1Co 15, 22-27)

Cependant, en langue française, les responsables ont tronqué le texte si clair de Paul en remplaçant le second adverbe ensuite par alors c’est-à-dire en même temps que (1Co 15, 24). De la sorte, la seconde venue du Christ et la remise de son Royaume au Père deviennent une seule et même chose. En d’autres termes, l’étape de la régénération est supprimée. Aucun manuscrit grec, araméen ou latin ne permet pourtant une telle tromperie.

Une autre tradition tronquée concerne l’expression « fin du monde », présente dans la plupart des traductions. Elle fait inévitablement penser à une destruction du monde (c’est pour cela qu’elle est employée), mais ni les textes araméens ou grecs ne permettent une telle formule : ce qu’on y lit est l’expression « accomplissement du temps actuel » (grec : suntéléia tou aïônos (Mt 13, 40), ce qui est tout autre chose !

1. Précisions sur l’Antichrist et son jugement – L’islam

Le schéma suivant, inspiré des personnages de l’Evangile, donne une idée de l’organisation de l’Antichrist :
La manifestation glorieuse du Christ que nous attendons dans le monde est un événement objectif qui anéantira l’Antichrist (2Th 2, 3-12). L’Apocalypse donne plus de détails en parlant de la Bête et du faux prophète. Elle évoque le salut de ceux qui refusent « la marque de la bête », sans préciser qu’ils soient tous chrétiens, c’est pourquoi une entente avec les non-chrétiens dans la lutte contre l’Antichrist est dans une certaine mesure tout à fait possible. C’est le premier point à souligner : l’Apocalypse mentionne en effet « ceux qui furent décapités pour le témoignage de Jésus et la Parole de Dieu, et tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image, de se faire marquer sur le front ou sur la main ; ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ mille années » (Ap 20, 4). Ceux qui se seront opposé à l’Antichrist auront donc le privilège de se manifester avec les saints auprès de ceux qui seront encore sur la terre pendant la Parousie (1Th 3, 13).
Le second point à souligner, c’est la naïveté qui fait croire qu’il n’y a ni Antichrist, ni bête, ni marque de la bête. L’Eglise ne peut pas se comporter « comme si » la société était inspirée de valeurs chrétiennes, autrement dit, comme si les chefs recherchaient le bien commun avec un sens du devoir, de la parole donnée, etc. La promesse du royaume aux persécutés sous-entend une confrontation : « Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5, 10). Certes, l’Occident a connu une certaine « chrétienté », mais, depuis la Renaissance, la société n’est plus inspirée de valeurs chrétiennes. Au début du XVIe siècle, dans son livre « Le Prince », Nicolas Machiavel, homme politique et écrivain florentin, montre comment devenir prince et le rester, et conseille dans certains cas des actions contraires aux bonnes mœurs, donnant lieu à l’épithète machiavélique... De nos jours, la naïveté dans le rapport des chrétiens au monde peut avoir de fâcheuses conséquences.

Pour autant, il n’appartient pas aux chrétiens de juger les hommes. Jésus, dans la parabole du bon grain et de l’ivraie est clair (Mt 13) : l’ivraie sera arrachée par les anges au moment de la Venue en gloire de Notre Seigneur !
C’est là toute la différence entre la foi chrétienne et ses plagiats. On trouve des contrefaçons de l’espérance chrétienne très diverses, laïques ou par exemple musulmanes. Ces contrefaçons rendent les gens très manipulables, il suffit de désigner « l’antichrist » à abattre (soi-même) pour faire advenir le « règne de la divinité ». Ces « messianismes » produisent des millions de morts, c’est pourquoi ils ont été dénoncés par l’Eglise (CEC 676).

L’Eglise et l’abomination de la désolation
« Et le cinquième claironna.
Et je vis une étoile qui tomba des cieux / sur la terre ;
et il lui fut donné la clef / des puits de l’Abîme
et une fumée monta des puits, / comme la fumée d’une grande fournaise attisée ;
et le soleil et l’air s’obscurcirent, / du fait de la fumée des puits. » (Ap 9, 1-2 FG).

L’image de l’étoile qui tombe doit être interprétée dans un contexte ecclésial, sacerdotal. En effet, elle se réfère à Dn 8, 10-14, où l’attaque du « bouc » qui fait tomber des « étoiles » est le prélude de l’abomination de la désolation dans le sanctuaire de Dieu. L’étoile tombée (un chef religieux apostat) ouvre les puits de l’Abîme. L’Abîme [thūmā] est ici le séjour démoniaque. (cf. Lc 8, 31 ; Ap 20, 3 ; 2P 2, 4). Autrement dit, l’image de la chute et de l’ouverture du puits de l’Abîme décrit l’apostasie d’un chef qui, par une prière aux démons, autorise une infestation démoniaque du monde. Et il faut que ce soit un grand chef pour qu’il ait ainsi autorité d’infester l’humanité.

Plus loin dans le livre de l’Apocalypse, au 6e calice, se manifeste la triade dragon/bête/Faux prophète, dont émanent trois esprits impurs comme des grenouilles, qui rassemblent les « rois de l’univers » pour un grand combat. Cette lutte au sommet pour le pouvoir achève le processus de centralisation de sorte que tous les hommes sont contraints de choisir pour ou contre la bête.
Les esprits impurs sortent de la fausse Trinité (dragon/ bête/ faux prophète) sortent trois esprits impurs (Ap 16, 13-14) représentant un piège pour l’Église elle-même, une contrefaçon de son langage, de son enseignement, de sa liturgie, de son espérance.

Les trois esprits impurs sont connus de tous les lecteurs de la Bible : Asmodée, Béelzéboul et Mammon. Asmodée, qui ouvre la voie, est un démon d’impureté et de mort (Tobie 3, 8-17) ; dans les rapports humains, il pervertit la sensualité, il obscurcit les sens de l’âme, il fait obstacle à la relation à Dieu. Béelzéboul (Baal…) introduit une attitude magique, un désir de pouvoir occulte qui pervertit à la fois les relations humaines (sorcellerie) et les relations avec les anges de Dieu (cf. Mc 3, 22). Mammon pervertit les relations d’échange : l’argent qui devrait être un outil devient un dieu, Jésus dit : « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Lc 16, 13).

1. Précisions sur le temps de la Parousie
« Car voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l'esprit. […] Ils ne peineront pas en vain, ils n'enfanteront plus pour la terreur, mais ils seront une race de bénis du Seigneur, et leur descendance avec eux. » (Is 65, 17-32)

Peu à peu « 1000 ans »
En grec, le mot choisi a été celui de Parousia, qui est d’abord un terme technique désignant ce qu’on appelait anciennement une Joyeuse entrée, quand un roi rendait visite à une ville de son royaume ; mais le terme lui-même évoque aussi une présence dans la durée.
Jésus a évoqué « la régénération [araméen : bᶜālmā ḥaṯā, littéralement : le monde nouveau ou dans le siècle nouveau] » (Mt 19, 28). Que sera un monde libéré de l’emprise du Mal et devenant « le prélude de l’incorruptibilité, royaume par lequel ceux qui en auront été jugés dignes s’accoutumeront peu à peu à saisir Dieu »[1], comme l’a pensé et écrit Irénée évêque de Lyon et mort martyr autour de l’an 201 ?

Après le Jugement, ne resteront sur terre comme adultes que ceux qui se seront réjouis de la « manifestation du Christ ». L’inventivité et la ténacité humaines seront bien utiles pour résoudre les immenses problèmes de survie et de réorganisation qui se poseront, et l’aide de ceux du Ciel ‒ les Anges et les Saints ‒ y contribuera (nous y reviendrons).
Beaucoup n’auront pas immédiatement une profonde relation à Dieu ‒ ils auront tout à découvrir ‒; pour autant, leur relation à Lui, même empreinte de préoccupations intéressées, exclura toute influence du Mal, car ils n’en voudront plus. Tel est le sens de l’image du « Diable, Satan » qui est « enchaîné » et « jeté dans l’abîme », des verrous étant tirés derrière lui et des sceaux étant posés (Ap 20, 2-3) : il aura beau faire, il ne peut plus nuire en tentant les gens individuellement (il essaiera autrement, mais c’est pour le chapitre 7).

L’amitié
« Heureux les doux, car ils posséderont la terre » (Mt 5, 4)
Dans le temps qui est le nôtre, l’amitié n’empêche pas d’avoir des opinions, des ressentis et des intentions différentes, ou encore une tension si plusieurs veulent en même temps la même chose matérielle (cela arrive aussi chez les animaux). Cependant, et surtout dans la Lumière du Sauveur, l’amitié est un partage de vie et conduit à s’entendre et, si besoin, à se pardonner. Au moment de la Parousie, chaque personne sera embellie par sa communion au divin vouloir, les gens éprouveront de l’admiration les uns pour les autres et un saint empressement à collaborer.

La politique
Le « Royaume des justes » dont parle saint Irénée n’est pas un Règne où le Christ assumerait des responsabilités politiques (suprêmes), il s’agit de l’organisation politique que les hommes auront à mettre eux-mêmes en place, sous sa Lumière, et que Jésus ultimement « remettra au Père » (1Co 15, 24) !
Y aura-t-il encore de la monnaie ? Pourquoi pas. Si le pouvoir politique, solidement tourné vers le bien commun dans la Lumière du Christ, contrôle strictement la monnaie, il n’y a plus de dérapage possible. Et dans une culture du don et du partage, la vie économique pourra se développer mieux qu’à n’importe quelle période de l’histoire ‒ ce qui sera bien nécessaire car, comme nous l’avons souligné, il y aura beaucoup à rebâtir.
Personne ne sera dominé. Il pourra y avoir des rois au service d’un territoire et diverses autorités liées à diverses compétences, mais toujours dans un esprit de service, et il y aura une participation de tous les citoyens.
« Ils n'auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : "Ayez la connaissance de Yahvé !" Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu'aux plus grands -- oracle de Yahvé -- parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché » (Jr 31, 43).

[1] Saint Irénée, Contre les hérésies, V, 32, 1

La culture et l’Eglise
A la suite de la Venue glorieuse, la culture sera évidemment remise sur ses justes fondements et proclamera de belle manière que les humains ont été créés à l’image de Dieu ‒ car cela dit ce qu’ils sont ‒, et aussi que le Créateur les aime.
Tout le monde ne sera pas saint instantanément, mais les gens seront portés et vont découvrir de plus en plus que l’Eucharistie peut être intensément comme communion des saints. Même s’il faut toujours faire un effort pour s’entendre, il n’y aura plus de la jalousie parce que la grâce du Christ sera reconnue et chacun se réjouira ainsi au sujet de l’autre, et chacun prend sa part de responsabilité.

La relation à Dieu
Le contexte est sanctifié. Par la vision du Christ glorieux, les gens pourront sentir la paternité de Dieu, comme a dit Jésus : « Qui m'a vu a vu le Père » (Jn 14, 9).
Peu avant la résurrection de son frère Lazare, Marthe reconnaît en Jésus non seulement le Messie, mais aussi « le Fils de Dieu, qui vient pour le monde ». Le réconfort et la consolation sont la conséquence de la Vie qui est communiquée, et c’est une vie filiale. Il y a en araméen le mot nūḥāmā pour désigner cette instauration nouvelle qui vient de Dieu et qui est comme une respiration dans la conscience spirituelle. « Je [suis] Moi, le Réconfort et la Vie ! [nūḥāmā wḥayye] » (Jn 11, 25 FG), c’est aussi : « Je [suis] Moi, la respiration qui vient de Dieu, et les vies » ! Les vies : le mot syriaque n’existe pas au singulier, mais on le traduit la plupart du temps au singulier. Curieusement, Luisa Piccarreta, lorsqu’elle parle de la vie dans la divine volonté parle des vies divines qui s’épanouissent dans l’univers à travers le Oui de l’homme.

L’union personnelle à la divine volonté peut commencer avant la Parousie. Au début, Jésus doit pallier les manquements, et comme recoudre le fil qui s’est interrompu, mais progressivement, chacun est appelé à devenir stable dans son OUI. Tout l’enjeu du temps de la Parousie (1000 ans !), c’est de préparer l’humanité à l’éternelle vie, autrement dit, c’est d’entrer communautairement dans un acte continu d’union à la divine volonté. Le Créateur désire donner sa volonté en tant que vie continue dans la créature qui veut ce que Dieu crée.

Cette vie sera intense et riche puisque les hommes utiliseront les droits que Dieu leur a attribué quand il les a créés capable de recevoir son influx permanent car Dieu alimente sans cesse ses dons, et il alimente aussi sans cesse sa Volonté en tant que vie de la créature.
A la fin de la Parousie, l’humanité sera ferme dans sa décision pour Dieu et son Oui à Dieu sera continu.


Cet ultime « Oui » sera capable de démasquer une ultime manifestation de puissance satanique tentant de séduire l’humanité de sorte Satan sera rejeté en enfer définitivement (Ap 20, 9-10).
Alors, la « Jérusalem céleste » viendra à la rencontre de la « Jérusalem terrestre » pour l’emmener dans la gloire (Ap 21).

Tableau d’ensemble

Bibliographie succincte :
Françoise Breynaert, La Venue glorieuse du Christ. Véritable espérance pour le monde. Editions du Jubilé (octobre 2016).
Françoise Breynaert, Préparer dès maintenant le retour glorieux du Christ, avec les écrits de Luisa Piccarreta (préface Mgr Rey), Téqui 2018.